Sécheresse: avec les pluies abondantes dans le Var et les Alpes-Maritimes, l'été est-il sauvé?

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Var Côte d'Azur Climat

De façon spectaculaire, le mois de mars a profité à la recharge des eaux profondes, marquant une rupture avec les années passées. Mais des tarissements restent possibles, voilà pourquoi.

Sonia Bonnin Publié le 07/04/2024 à 08:15, mis à jour le 07/04/2024 à 10:42

Photo Dylan Meiffret

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C’est une entrée dans le printemps que ni le Var, ni les Alpes-Maritimes n’avaient connue depuis longtemps. Des nappes phréatiques, si ce n’est remplies, tout du moins au-dessus de leur niveau moyen. Des sources qui rejaillissent, des rivières qui coulent franchement.

Le spectre d’un printemps affreusement sec (2023), ou d’une arrivée de l’été dans la poussière (2022), s’est dissipé.

Tout s’est joué en un mois, au moment précis où se termine ce que les spécialistes appellent la période de recharge.

Ce moment, le plus favorable à la pénétration de l’eau dans le sol, avec une végétation (à peu près) au repos, s’ouvre à l’automne et s’achève au printemps.

Alors où en sont les réserves souterraines, indispensables à notre alimentation en eau potable? Tour d’horizon, avant la publication du prochain bulletin de situation des nappes, mi-avril.

Que s’est-il passé sous terre, cet hiver?

Dans notre région méditerranéenne, "et spécifiquement dans les Alpes-Maritimes et le Var, ce qu’il se passe sous terre s’est produit au préalable dans l’atmosphère". Dans la bouche de Marc Moulin, hydrogéologue au BRGM Paca (1), cette phrase n’est pas une boutade, mais rappelle que nos nappes souterraines "sont généralement très réactives aux précipitations".

Quitte à faire le yo-yo, lorsque les pluies ne sont pas suffisantes pour une réelle remise en eau des circuits souterrains.

En milieu karstique, les formations calcaires, les failles et fractures du sol facilitent un écoulement rapide. "Il n’y a pas ici les grandes nappes sous forme d’empilement profond qu’on trouve par exemple dans le bassin parisien."

Voilà pourquoi, après deux années d’intense sécheresse, les quelques pluies de l’hiver n’avaient pas changé la donne.

Un mois de mars et ça repart

Jusqu’en février, les niveaux des réserves souterraines ont donc été fragiles. "On est arrivé début mars avec des situations très tendues et peu de recharges. Puis, tout a changé d’un coup."

Il a plu cinq à six fois plus qu’un mois de mars habituel, a calculé Météo France. Pour Marc Moulin, la charnière se situe aux précipitations du 10 mars.

"Tous les voyants sont passés du rouge orangé au bleu, c’est-à-dire au-dessus des niveaux moyens presque partout. Les retards sont presque tous compensés."

Partout dans la région, le BRGM a enregistré "une inversion de tendance globale", sauf l’est des Bouches-du-Rhône moins arrosé.

Les 85 points de mesure locaux, par piézomètre (et autant de forages) ont confirmé "la variation positive dans le temps, surtout pour les nappes alluviales, en lien avec les cours d’eau comme les fleuves côtiers".

La nappe du fleuve le Var, par exemple, est stratégique, car elle assure une part de l’alimentation en eau potable de la métropole niçoise. "Cette nappe reste très productive, malgré les variations." Dans l’arrière-pays de Saint-Tropez, la nappe du fleuve côtier la Giscle a fait le plein.

"On est parfois très hauts", anticipe Marc Moulin, en train de préparer le prochain bulletin de situation hydrologique.

Est-ce que l’été est sécurisé?

Que va-t-il se passer dans les prochains mois? Marc Moulin est catégorique: "On n’en sait rien du tout. S’il ne pleut plus jusqu’en octobre, les eaux vont se tarir progressivement et on pourrait même avoir un étiage sévère."

Ce qu’il faut comprendre est qu’une nappe ne reste jamais inactive, immobile. "Soit elle monte, soit elle s’écoule et se vidange, elle ne reste jamais stable dans le temps."

C’est un écueil auquel parent les retenues artificielles d’eau, comme Saint-Cassien ou Sainte-Croix. Quand les barrages sont pleins, ou bien remplis, ils ont la capacité de le rester. À une nuance près: l’évaporation importante à la saison chaude. On n’en est pas encore là.

Vu l’importance des chutes de neige qui garnissent les Alpes du sud en altitude, il y a de quoi anticiper une fonte généreuse, qui "restituera de l’eau au milieu naturel, petit à petit".

De quoi permettre aussi à EDF une production hydroélectrique, que la sécheresse avait presque rendue caduque ces deux dernières années. De l’eau, ça change tout.

1. Service géologique national, Bureau de recherches géologiques et minières.